Il était une fois, dit l'oiseau à sa ravissante ravisseuse, un monde d'oiseaux et d'abeilles. Ils étaient l'essence de toute chose, l'Alpha et l'Oméga, le Béta et le Tau, et l'alphabet grec au grand complet. Les oiseaux chantaient, les abeilles bourdonnaient, et tous volaient de-ci de-là.

Les choses ont bien changé depuis, dit la jeune fille, qui ne s'était pas encore décidé à relâcher l'animal.

Non, cela ne pouvait pas durer, acquiesça l'oiseau. L'époque était plaisante, dans un sens, mais il n'y a rien à faire, nulle part où aller. Zonzonnement et sifflotement étaient les deux mamelles de notre nonchalance.

Ici, dit la jeune fille, non seulement nous avons toujours quelque chose à faire, mais c'est rarement amusant.

Tout est de notre faute, dit l'oiseau. Un jour, les oiseaux et les abeilles se rencontrèrent au grand complet, et décidèrent de mettre un terme à toute cette paresse. A partir de ce moment, nous nous mettrions à travailler, à agir, à créer des choses, à construire des nids et des ruches, à conchier les statues et à piquer les gens.

Mais comment ? demanda la jeune fille. Si je le comprends bien, il n'y avait ni statues ni gens à l'époque.

D'abord, expliqua l'oiseau, nous établîment la liste de ce dont nous avions besoin, les arbres, les fleurs, les statues, le temps, les gens, plus toutes les chansons de Charles Trenet, Georges Brassens et Isabel Monteiro. Puis les oiseaux commencèrent à collectionner les plumes. Quand il y en eut suffisamment, les abeilles les collèrent ensemble avec du miel et avec ça, nous obtînmes un créateur à notre image. Une fois terminé, nous lui donnâmes la liste, et il se mit au travail. Il commença par les choses les plus simples, la terre et les eaux, mais, croyez-le ou non, en une semaine tout était fini, jusqu'aux boutons de guêtres.

Le résultat est inégal, soupira la jeune fille, que dérangaient la faim dans le monde et la forme de son nez.

Rien que des plumes et du miel ! Ce n'est pas trop mal. Avec des hérissons et des bousiers, les choses auraient été moins confortables.

Mais vous ? Vous y avez perdu au change, non ? Les oiseaux et les abeilles ne régentent plus le monde aujourd'hui. Oui et non. Nous ne régnions sur rien au départ, nous n'avons donc rien perdu. Mais c'est vrai, nous ne sommes plus que des petits rouages dans la grande machine. Il y eut au début quelque peu d'amertume. Les oiseaux disaient, comment peut-on se fier à quelque chose régurgité par un estomac d'abeille ? Mais le temps, que nous avions inventé pour l'occasion, a mis du baume sur les blessures d'amour-propre. Tout va bien aujourd'hui, vraiment.

Et maintenant, ajouta l'oiseau, si vous me libériez ?

Petit oiseau, dit la jeune fille, je ne suis pas sûr que ton histoire soit