Il avait encore trois mois à tirer quand il se fatigua de l'utérus maternel, qui n'était après tout qu'une cellule capitonnée. Il coupa donc le cordon ombilical et partit à la nage vers la seule sortie connue, à la grande surprise et au grand déplaisir de sa mère (qui était au cinéma à ce moment-là). Comme on ne put le convaincre de retourner d'où il venait, on le plaça en couveuse. Ce fut difficile pour lui. L'endroit était doux, chaud, silencieux, tranquille, et sinistre. Il avait des problèmes pour respirer. Il commença à regretter son cordon, le seul jouet qu'il eût connu jusque là. Il ne tenta pas sa seconde évasion tout de suite, cependant. Celle-ci exigeait une préparation minutieuse qu'il était encore trop faible pour mener à bien, petite crevette ridée privée de sel de mer. Alors il se mit à dormir, il engloutit les liquides nourriciers qu'on lui proposait, il regarda, il écouta. Peu à peu, il se fit une idée du monde. Les horaires des infirmières. Le moment du biberon. Le temps des couches. L'horloge sur le mur du fond. La serrure sur la couveuse. Les autres bébés. Un plan prit forme dans le rudimentaire réseau neuronal de son esprit inachevé. Il ne lui manquait plus qu'une arme (un thermomètre ferait l'affaire), et il